Un peintre, c'est bien connu, saisit - dès qu'il le peut - un papier, un stylo ou un crayon. Il se met instinctivement à griffonner, la tête un peu ailleurs... S'il ne quitte jamais vraiment cet état rêveur, l'artiste n'a pourtant pas l'imaginaire dans les nuages ! Ivan Calatayud le prouve, lui qui aime aussi "écrire la peinture" comme il le dit joliment. Derrière cette naïveté apparente du trait qui sait pourtant où il va, Calatayud réalise des textes littéraires qui illustrent parfaitement le lien graphique qui unit fusionnellement la transmission écrite parlante et la communication peinte insonore. Ce défi est une expérience nécessaire à celui qui, ayant une destinée de passeur, ne peut supporter l'idée de tout garder pour lui seul. Les lignes langagières de Calatayud sont à l'image de ses courbes sur la toile au point de se fondre dans un espace libidinal commun : un travail subtil de symbolisation bidimensionnelle dans ce siècle de l'écran qui, si on n'y prend garde, pourrait pousser l'Homme à oublier que l'esthétique ne peut se passer de l'alchimie des mots écrits et de la matière appliquée sur le support rivé au châssis. Calatayud ne l'oublie pas, tel un serviteur indispensable qui, parce qu'il refuse l'artifice spectaculaire, sert à merveille ce pour quoi il est né...

Michel Lefèvre
pour "Le Journal de la Psychanalyse"