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" Il est extrêmement difficile de ramasser une vieille écumoire, une fourchette tordue, de maigres harengs fumés, d’agencer le tout sur une toile avec une certaine sobriété et d’en faire un splendide objet d’art qui gagnera en éternité "

 

 

 

La détermination des grands artistes

L’apparition de la photographie, au milieu du siècle dernier, bouleversa la destinée de tous les artistes plasticiens : copier la nature désormais n’a plus de sens. Il faut trouver autre chose, ne plus illustrer ou rendre compte de ce qui existe déjà, mais plutôt interpréter la « perfection de la réalité », qu’elle soit jolie ou laide. C’est-à-dire s’exprimer à travers elle…


Quoi de plus exaltant pour un peintre, en effet, que d’avoir la possibilité de projeter ses tourments intérieurs et ses sentiments les plus intimes dans ses tableaux ? Grâce à la photographie, l’illustration de la vie n’est plus une priorité absolue pour l’artiste ; il peut maintenant interpréter, donner son avis, expulser « sé-vérités intérieures ».
Le peintre expressionniste, Chaïm Soutine (1893-1943), est certainement celui qui trouvera la plus belle parade pour se défendre et ne plus rivaliser avec la photographie ; il avait compris, très jeune, que c’était impossible. À la place, il essaie de développer un certain art de la déformation harmonieuse avec des sujets difficiles, voire dramatiques. D’ailleurs, toute la singularité consiste chez Soutine à s’intéresser à un lapin mort pendu, à une carcasse de viande en état de putréfaction avancée ou à un misérable pour essayer d’en faire quelque chose de divin une fois sur la toile, un peu comme un alchimiste qui transforme le plomb en or…
Paul Guillaume, marchand d’art et collectionneur (un des premiers à s’être intéressé à Modigliani et à Soutine), racontera plus tard dans sa revue « Les arts à Paris » : Un jour que j’étais allé voir chez un peintre un tableau de Modigliani, je remarquai dans un coin de l’atelier une œuvre qui sur le champ m’enthousiasma. C’était un Soutine et cela représentait un pâtissier – un pâtissier inouï, fascinant, réel, truculent, affligé d’une oreille immense et superbe, inattendu et juste : un chef d’œuvre. Je l’achetai. Le Docteur Barnes (très grand collectionneur américain) le vit chez moi. « Mais c’est une pêche ! », s’écria-t-il. Le plaisir spontané qu’il éprouva devant cette toile devait décider de la brusque fortune de Soutine, faire de lui du jour au lendemain un peintre connu, recherché des amateurs, celui dont on ne sourit plus…
Ce qui fit du reste le succès du peintre, c’est cette capacité à réunir et à mélanger dans une même toile le grotesque, le comique et le tragique, avec à la fois une délicatesse, un raffinement de palette et une certaine violence, sans pour autant choquer les âmes sensibles, certes plus habituées à l’époque aux séduisants portraits de Renoir.

Installer un discours nouveau
D’une manière générale, tous les peintres de l’époque post impressionniste, et même les sculpteurs, ont essayé de se détacher de la représentation classique et ce, quel que soit leur style, de façon à installer un discours nouveau entre le créateur de l’œuvre et celui qui la regarde. Autrement dit, décorer ou illustrer la Bible ne suffisait plus ; il fallait dorénavant interpeller le monde, poser des questions sur les multiples facettes de la société de l’époque et trouver le sens des événements de l’Histoire… La préoccupation de ces interprètes n’était plus éminemment esthétique mais plutôt interrogative, avec la recherche de nouveaux langages artistiques pour dire la souffrance de l’humanité. Nous connaissons tous le tableau Guernica peint par Picasso en 1936 et annonciateur de la plus grande catastrophe du XXème siècle : la deuxième guerre mondiale ; il dira d’ailleurs un jour à son secrétaire particulier devant ce célèbre tableau que l’art est fils de la tristesse et de la douleur…
Picasso a toute sa vie peint le drame humain, sous toutes ses formes et dans tous les styles. Qu’il s’agisse de ses toiles de la période bleue de facture misérabiliste (1901-1904), représentant souvent les prostituées de la prison Saint Lazare, ou les pauvres au bord de la mer, la nuit, ou, plus tard encore, ses natures mortes de la seconde guerre mondiale… Les gens avaient faim, alors je peignais des marmites disait-il… Et il les peignait admirablement bien, avec une puissance graphique sans équivalent, comme par devoir et pour révéler au monde l’horreur de la guerre. Non, la peinture ce n’est pas toujours pour « faire rire ou mettre au-dessus de la cheminée » !

Du misérable au sublime
Il est très facile pour un peintre de cueillir de très belles fleurs et d’en faire de jolies fleurs sur un tableau, ce qui équivaut alors à faire moins bien que la nature… En revanche, il est extrêmement difficile de ramasser une vieille écumoire, une fourchette tordue, de maigres harengs fumés, d’agencer le tout sur une toile avec une certaine sobriété et d’en faire un splendide objet d’art qui gagnera en éternité. Ainsi, le plus grand des pièges à éviter, pour un artiste, est de flatter le goût du public, en dérivant peu à peu vers la facilité de la séduction. L’auteur devient à ce moment-là prisonnier, enchaîné, paralysé par la demande et l’attente dès lors médiocre du spectateur ; le peintre prend ainsi le risque de faire de l’audimat, de se perdre dans celui qui n’est pas lui.
Van Gogh, génie créateur aux toiles les plus chères du monde, donc les plus demandées, n’a jamais fait de concession. Il peignit même parfois l’impeignable, parce que l’invendable : Bistrot sordide la nuit, Le facteur Roulin, Paire de souliers, Tournesols fanés… Rien de bien flatteur et, pourtant, chacun de ces tableaux précisément vaut actuellement entre 20 000 000 et 70 000 000 d’euros ! Pourquoi ?
Certainement pas pour des raisons étriquées et réductrices liées à un désir impérieux de joliesse. En revanche, ces œuvres reflètent la sincérité, l’obstination, la vie d’un peintre et de ses modèles, incarnant avant tout la magie de la sublimation. Se situe ici la détermination des grands artistes.

 

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