| 
                    
 
                    
                      | " Il faut travailler avec sa personnalité et trouver soi-même un chemin sans s’étayer sur  		         quelque chose de très abouti au niveau du concept "  |  |  |    Être peintre,                 tout un art ! Peintre figuratif moderne, Ivan Calatayud, directeur artistique de  Signes & sens magazine, a bien voulu répondre à nos questions  dirigées dans la mesure où, pour illustrer ce dossier, elles allient  l’art à l’idée de la fidélité…
 Signes & sens : Ivan Calatayud, vous êtes peintre  		         professionnel. Pensez-vous que l’on doive être  		         fidèle en art?
 Ivan Calatayud : Je pense qu’il faut être fidèle à ce  		         qu’on a envie de faire. Lorsqu’on est face à une  		         oeuvre d’art, que ce soit celle d’un grand peintre ou  		         une oeuvre plus modeste, on n’a pas la même perception selon l’éducation que l’on a reçue, le milieu  		         d’où l’on vient ou sa sensibilité. Je crois que faire  		         les choses sincèrement en art, c’est faire en fonction  		         de ce que l’on ressent et au moment où on le ressent.  		         Lors de la dernière interview qu’il a accordée  		         en 1963, Picasso répondit au journaliste qui lui  		         demandait quelle oeuvre il choisirait parmi tous les  		         tableaux qu’il avait composés en quatre-vingts ans  		         de peinture : Je ne sais pas. Au moment de  		         Guernica, j’ai fait Guernica, cela appartenait à l’état  		         d’esprit dans lequel je me trouvais à cette époque-là. C’était le début d’une grande catastrophe… Je pense que ce qu’il a voulu dire, c’est  qu’à ce moment-là il était sincère en faisant ça. Un  an avant il ne l’aurait pas fait, de la même manière  qu’un an après, il n’aurait pas placé l’ampoule au-dessus  du cheval…
 
 S & s : En tant que néophyte, il est souvent difficile  de s’approprier l’art abstrait, l’art moderne… Avez-vous l’impression qu’à notre époque on va  un peu trop loin ? Vous venez de parler d’une adéquation  temps/société. Pensez-vous qu’il peut y  		         avoir un certain mercantilisme, voire un certain  		         snobisme, à promouvoir certains artistes qui pourraient  		         trahir l’idée que l’on pourrait se faire de la  		         peinture et de son côté symbolique ?
 I. C. : Le phénomène que les gens appellent «l’art  	          dégénéré», pratiqué par des «artistes subversifs»,  	          provient du fait que la peinture et tous les arts graphiques  	          se sont retrouvés à un moment dans une  	          impasse. Tout avait été fait. Après l’invention au  	          début du siècle du cubisme, de l’abstraction, on n’a plus su quoi faire pour amener quelque chose de  		         nouveau. Des artistes se sont certainement perdus  		         dans le fait de vouloir à tout prix faire quelque chose de personnel alors qu’il aurait peut-être fallu,  		         par exemple, approfondir le cubisme dans d’autres  		         voies. Il aurait été possible de repartir sur des chemins  		         différents en se basant sur des choses plus  		         classiques comme ont su le faire certains peintres,  		         comme Gérard Garouste. Ce peintre, plutôt que de  		         s’engager sur la voie de la nouvelle figuration libre,  		         a préféré retravailler les classiques et ouvrir encore  		         une brèche supplémentaire. Les marchands ont  		         aussi une certaine responsabilité. Plus c’était choquant,  		         plus cela pouvait être nouveau, plus ils invitaient  		         les journalistes. Ce qui ne me semble pas  		         avoir été une attitude adéquate. À partir de l’instant  		         où la dimension commerciale entre en jeu, la donne  		         peut être faussée…
 
 S & s : Pouvez-vous nous dire si un peintre peut se  		         rendre compte qu’il est infidèle par rapport à un  		         respect qu’il est censé avoir de la transmission de  		         son art ?
 I. C. : Pour transmettre quelque chose d’authentique,  		         encore faut-il être soi-même authentique. Je  		         suis convaincu que la meilleure des transmissions  		         s’étaye sur une lignée. Les vieux peintres transmettaient  		         aux nouvelles générations et ainsi de suite.  		         L’évolution se faisait ainsi avant l’éclatement de la  		         peinture qui est partie dans tellement de directions  		         que l’on ne savait plus qui était le bon professeur,  		         qui était le mauvais. Degas disait toujours : Ayez de  		         bonnes fréquentations, allez au Louvre. Il faut  		         copier les maîtres car on ne peut naître tout seul… Maintenant, que pourrait-t-on dire à un jeune peintre ? Copiez les maîtres ? Mais qui sont-ils ? Viallat,  		         Ingres… Celui-ci reste un maître. Ingres peut toujours		         être modernisé. Fernando Botero, par exemple,  		         a su moderniser des vieux maîtres dans les  		         années 60 à 80. Il en a fait quelque chose d’actuel.  		         Il est cependant difficile de savoir qui sont les maîtres  		         aujourd’hui. Picasso en est un au même titre  		         qu’Ingres, même s’il s’agit de deux manières très  		         différentes de concevoir l’art. La difficulté à l’École  		         des Beaux-Arts réside dans le fait que les élèves  		         apprennent des techniques qui resteront toujours  		         dépassées. Je pense que celui qui a une démarche  		         classique peut arriver à ne pas trop se démoder.  		         Alors que produire de l’avant-garde en étudiant l’avant-garde des années 60 sera toujours décalé. Ma  		         conviction est qu’il faut travailler avec sa personnalité et trouver soi-même un chemin sans s’étayer sur  		         quelque chose de très abouti au niveau du concept.  		         Je suis convaincu que même aujourd’hui, en 2009,  		         on peut s’ancrer sur le travail des vieux maîtres tout  		         en explorant une voie plus personnelle et en amenant  		         quelque chose de nouveau.
 S & s : Comment interprétez-vous la célèbre phrase de Picasso, « Je ne cherche pas je trouve » ?I. C. : Je pense qu’il cherchait beaucoup…  		         Lorsqu’on voit la façon qu’il avait de construire un  		         tableau, notamment pendant sa période cubiste ou  		         au cours de sa démarche surréaliste des années 30,  		         il mettait énormément d’éléments sur ses oeuvres et  		         en supprimait un grand nombre. Il appelait  		         d’ailleurs cette méthode « la déconstruction créatrice ». Il ne gardait in fine que l’essentiel. Lorsqu’on  observe les études de Guernica, on se rend compte  qu’il commence par quelque chose de très académique.  Il prend tous les animaux, toutes les scènes.  Au fur et à mesure, il épure les lignes… Peut-on  dire, lorsque l’on travaille de cette manière, Je ne  cherche pas, je trouve ? Je ne pense pas qu’un  matin, il se soit levé et qu’il ait produit Guernica. Il  est passé par 900 études préparatoires sur papier,  par des aquarelles, par des huiles. Ensuite seulement  il a peint Guernica. Il a travaillé deux ans sur  ce projet. Pour moi, à l’inverse, toute sa vie Picasso  a cherché. La preuve, c’est que le fameux style  Picasso date des années 50 alors qu’il avait déjà  soixante-dix ans. Lorsqu’on trouve son style à  soixante-dix ans, c’est qu’on a beaucoup cherché  avant !
 
  Une interview accordée à Signes & sens magazine.   Découvrez sur le site Art d'aujourd'hui.com le dictionnaire simplifié de la peinture... Lire un autre article Retour accueil |